Sommaire

Introduction : La multiplicité des parties prenantes

Le Marais Poitevin est un territoire à forte densité d'acteurs, reflet de sa complexité institutionnelle, de sa richesse écologique et de la diversité des usages qui s'y exercent. La problématique de l'assèchement cristallise des intérêts divergents et révèle des rapports de force structurants.

Cette analyse propose une cartographie exhaustive des acteurs, précisant pour chacun :

  • Son identité et son organisation
  • Ses usages du territoire
  • Son statut fiscal et social
  • Sa position sur l'assèchement du marais
  • Ses ressources (pouvoir, légitimité)
  • Ses alliances et oppositions
50+ Acteurs identifiés
5 Catégories principales
3 Positions dominantes

1. Typologie des Acteurs

Classification en 5 grandes catégories selon leur nature et leur rôle

Acteurs Publics

Rôle : Régulation, planification, financement, arbitrage

Nombre : ~20 structures principales

Exemples :

  • État (Préfectures, DREAL, DDT)
  • Régions (Nouvelle-Aquitaine, Pays de la Loire)
  • Départements (Vendée, Charente-Maritime, Deux-Sèvres)
  • EPCI (13 intercommunalités)
  • Communes (~200)
  • PNR Marais Poitevin
  • EPTB Sèvre Niortaise
  • Agence de l'Eau Loire-Bretagne

Acteurs Économiques

Rôle : Production, emploi, valorisation ressources

Nombre : ~10 000 acteurs individuels/structures

Exemples :

  • Agriculteurs (2 500 exploitations)
  • Chambres d'Agriculture
  • Syndicats agricoles (FNSEA, Confédération Paysanne)
  • Professionnels du tourisme (bateliers, hébergeurs)
  • Conchyliculteurs (350)
  • Comité Régional Conchyliculture
  • Entreprises hydrauliques

Associations Environnementales

Rôle : Défense environnement, alerte, contre-pouvoir

Nombre : ~30 associations actives

Exemples :

  • LPO (Ligue Protection Oiseaux)
  • France Nature Environnement
  • Associations locales (Eaux et Rivières, Nature Environnement)
  • WWF France
  • Conservatoire Espaces Naturels
  • Collectifs de riverains

Gestionnaires Hydrauliques

Rôle : Gestion technique de l'eau et des niveaux

Nombre : ~15 structures

Exemples :

  • Syndicats de Marais (11)
  • ASA (Associations Syndicales Autorisées)
  • Institution Interdépartementale du Bassin
  • OUGC (Organisme Unique Gestion Collective)

Experts et Scientifiques

Rôle : Recherche, expertise, conseil, médiation

Nombre : ~10 institutions principales

Exemples :

  • Universités (La Rochelle, Poitiers, Nantes)
  • CNRS (Zone Atelier environnement)
  • INRAE (recherche agronomique)
  • Bureaux d'études (Biotope, Egis, etc.)
  • Muséum National Histoire Naturelle

2. Cartographie Détaillée des Acteurs

Analyse complète de chaque acteur majeur : usages, statuts, positions

Acteur Catégorie Usages du territoire Statut fiscal/social Position assèchement Pouvoir
État (Préfectures)
3 préfectures concernées
Public Régulation, police de l'eau, arbitrage arrêtés sécheresse Administration d'État ⚖️ Neutre (arbitrage) Très élevé
Régions (Nouvelle-Aquitaine & Pays de la Loire)
Compétences développement économique
Public Financement projets, aménagement du territoire, formation Collectivité territoriale ⚖️ Neutre (financement équilibré) Élevé
Départements (85, 17, 79)
Compétences solidarités
Public Routes, collèges, solidarités, financement Collectivité territoriale ⚖️ Variable selon département Élevé
PNR Marais Poitevin
Syndicat mixte, 93 communes
Public Protection patrimoine, développement durable, animation Syndicat mixte (EPCI) 🚫 Contre assèchement (préservation zones humides) Moyen
EPTB Sèvre Niortaise
Établissement Public Territorial de Bassin
Public Gestion quantitative eau, prévention inondations, SAGE Établissement public 🚫 Contre assèchement (gestion équilibrée eau) Élevé
Agence de l'Eau Loire-Bretagne
Établissement public de l'État
Public Financement travaux eau, redevances prélèvements Établissement public 🚫 Contre assèchement (atteinte DCE) Très élevé (financier)
Agriculteurs - Élevage extensif
~1 500 exploitations
Économique Élevage bovin, prairies humides (35 000 ha), fenaison Exploitant agricole (MSA), régime micro-BA ou réel 🟡 Nuancé (besoin prairies inondables, mais rentabilité faible) Moyen
Agriculteurs - Grandes cultures irriguées
~800 exploitations
Économique Maïs irrigué, céréales (15 000 ha irrigués), prélèvements eau Exploitant agricole (MSA), régime réel ✅ Pour assèchement/drainage (besoin terres drainées, irrigation) Élevé (poids économique)
Agriculteurs - Maraîchage
~200 exploitations
Économique Mojhette AOC, légumes, irrigation (5 000 ha) Exploitant agricole (MSA) 🟡 Nuancé (besoin irrigation, mais qualité sols humides) Faible
Chambres d'Agriculture
3 chambres départementales
Économique Conseil agriculteurs, représentation, études techniques Établissement public consulaire 🟡 Nuancé (défend agriculture, mais aussi adaptation) Élevé (représentation)
FNSEA
Syndicat agricole majoritaire
Économique Défense des intérêts agricoles, négociation Association loi 1901 ✅ Favorable maintien irrigation, opposé restrictions excessives Très élevé (politique)
Confédération Paysanne
Syndicat agricole minoritaire
Économique Défense agriculture paysanne, circuits courts Association loi 1901 🚫 Contre intensification, pour préservation zones humides Faible (minoritaire)
Bateliers professionnels
~80 bateliers
Économique Navigation touristique, barques traditionnelles Artisan/Micro-entreprise (RSI devenu SSI) 🚫 Totalement contre assèchement (activité dépendante niveaux eau) Faible (atomisé)
Hébergeurs touristiques
~500 structures
Économique Hôtels, gîtes, chambres d'hôtes, campings Entreprise individuelle/Société (régime BIC) 🚫 Contre assèchement (attractivité « Venise Verte ») Moyen (collectif)
Offices de Tourisme
~15 offices
Économique Promotion touristique, information visiteurs EPIC (Établissement Public Industriel et Commercial) 🚫 Contre assèchement (perte d'attractivité) Moyen
Conchyliculteurs
~350 producteurs
Économique Élevage huîtres/moules en aval (Baie Aiguillon) Exploitant agricole (MSA) ou artisan 🚫 Totalement contre (qualité eau dépend du marais) Élevé (poids économique littoral)
Comité Régional Conchyliculture
Organisation professionnelle
Économique Représentation conchyliculteurs, défense intérêts Établissement public 🚫 Très mobilisé contre pollution et assèchement Élevé
LPO (Ligue Protection Oiseaux)
Association nationale, antenne locale
Association Observation ornithologique, sensibilisation, études scientifiques Association loi 1901, reconnue d'utilité publique 🚫 Totalement contre assèchement (habitat oiseaux) Élevé (légitimité scientifique)
France Nature Environnement
Fédération associations
Association Défense environnement, actions en justice, lobbying Association loi 1901, reconnue d'utilité publique 🚫 Contre assèchement et pratiques intensives Élevé (juridique)
Eaux et Rivières de Vendée
Association locale
Association Protection qualité eau, dénonciation pollutions agricoles Association loi 1901 🚫 Très actif contre irrigation excessive et pollution Moyen (local)
Conservatoire Espaces Naturels
Association gestionnaire
Association Acquisition/gestion espaces naturels, restauration écologique Association loi 1901 🚫 Contre assèchement, pour restauration zones humides Moyen (foncier)
Syndicats de Marais
11 syndicats
Gestionnaire eau Gestion hydraulique locale, vannes, entretien canaux Syndicat mixte 🟡 Partagé (historiquement pro-drainage, mais contraintes environnementales) Élevé (technique)
ASA (Associations Syndicales Autorisées)
Plusieurs dizaines
Gestionnaire eau Gestion hydraulique proximité, entretien fossés Établissement public administratif ✅ Historiquement pro-drainage (intérêt propriétaires) Faible (local)
OUGC (Organisme Unique Gestion Collective)
Structure de coordination irrigation
Gestionnaire eau Répartition volumes irrigation entre irrigants Association loi 1901 ✅ Défend besoins irrigation, négocie volumes Moyen
Universités (La Rochelle, Poitiers, Nantes)
Laboratoires de recherche
Expert Recherche scientifique, formation, expertise Établissement public enseignement supérieur ⚖️ Neutre scientifique (documentation enjeux) Moyen (expertise)
INRAE
Institut recherche agronomique
Expert Recherche agriculture durable, adaptation climatique Établissement public recherche ⚖️ Neutre scientifique (propose solutions adaptatives) Moyen
Bureaux d'études environnement
Biotope, Egis, etc.
Expert Études d'impact, inventaires écologiques, conseil Sociétés privées (SARL, SAS) ⚖️ Neutre (prestataires) Faible

3. Diagramme de Positionnement Pouvoir/Intérêt

Analyse stratégique selon le modèle de Mitchell (pouvoir, légitimité, urgence)

POUVOIR → ← INTÉRÊT Acteurs Clés (Satisfaire) Décisionnaires (Gérer étroitement) Soutiens potentiels (Informer) Opposants puissants (Surveiller) ÉTAT AGENCE EAU FNSEA EPTB RÉGIONS PNR LPO CONCHYLIC. BATELIERS FNE IRRIGANTS SYNDICATS ASA CH. AGRI ÉLEVEURS TOURISME ASSOC. LOC. CONF. PAY. CHERCH.

Lecture du diagramme

Acteurs environnementaux

Positions anti-assèchement, intérêt élevé

Acteurs agricoles pro-irrigation

Positions pro-drainage, pouvoir élevé

Acteurs publics

Positions variables, pouvoir très élevé

Acteurs économiques dépendants

Tourisme, conchyliculture

Analyse stratégique

Décisionnaires (gérer étroitement)

État, Agence de l'Eau, FNSEA : Ces acteurs cumulent pouvoir décisionnel et intérêt direct. Ils sont incontournables dans toute négociation. Stratégie : co-construction, dialogue permanent, compromis.

Acteurs clés (satisfaire)

PNR, LPO, Conchyliculteurs : Intérêt très élevé mais pouvoir limité. Stratégie : mobiliser leur légitimité technique/scientifique, faire alliance, amplifier leur voix.

Opposants puissants (surveiller)

Irrigants, Syndicats de marais, ASA : Pouvoir technique et politique, intérêt pour drainage. Stratégie : négociation, compensation, proposer alternatives (irrigation économe, diversification).

Soutiens potentiels (informer)

Éleveurs extensifs, Tourisme, Associations locales : Intérêt pour préservation mais faible pouvoir. Stratégie : renforcer capacités, formation, structuration collective.

4. Jeux d'Acteurs et Dynamiques de Pouvoir

Analyse des stratégies, ressources mobilisées et rapports de force

Les acteurs du Marais Poitevin ne se contentent pas de positions figées : ils développent des stratégies, mobilisent des ressources (économiques, politiques, symboliques, scientifiques), et s'engagent dans des jeux de pouvoir pour influencer la décision publique.

Typologie des jeux d'acteurs identifiés

🎯

Jeu de l'expertise

Acteurs : Scientifiques, bureaux d'études, PNR, LPO

Ressource mobilisée : Légitimité scientifique, données chiffrées

Stratégie : Produire des études pour objectiver les enjeux et influencer la décision par la preuve scientifique

Exemple : Études sur la dégradation des habitats d'oiseaux, rapports sur la qualité de l'eau

⚖️

Jeu juridique

Acteurs : FNE, associations locales, État

Ressource mobilisée : Droit de l'environnement, contentieux administratif

Stratégie : Recours juridiques contre arrêtés de sécheresse jugés trop laxistes, contre autorisations de prélèvements

Exemple : Contentieux sur les volumes autorisés d'irrigation, annulations d'arrêtés préfectoraux

💰

Jeu économique

Acteurs : Agriculteurs irrigants, FNSEA, Chambres d'agriculture

Ressource mobilisée : Poids économique (emplois, PIB local), dépendance du territoire

Stratégie : Mettre en avant la viabilité économique des exploitations et le risque de désertification rurale

Exemple : Chiffrage des pertes agricoles en cas de restrictions d'irrigation, menaces de délocalisation

📢

Jeu médiatique

Acteurs : Tous acteurs (selon moments)

Ressource mobilisée : Médias locaux/nationaux, réseaux sociaux

Stratégie : Publiciser les conflits pour faire pression sur décideurs publics

Exemple : Reportages TV sur le marais "qui meurt" (LPO), sur agriculteurs "étranglés" par restrictions (FNSEA)

🤝

Jeu de la concertation

Acteurs : PNR, EPTB, État, acteurs volontaires

Ressource mobilisée : Légitimité procédurale, reconnaissance des parties prenantes

Stratégie : Créer des espaces de dialogue (CLE, comités de pilotage) pour rechercher compromis

Exemple : Commission Locale de l'Eau du SAGE, Conseil Scientifique du PNR

🛑

Jeu de blocage

Acteurs : Associations radicales, agriculteurs en colère

Ressource mobilisée : Capacité de mobilisation, actions directes

Stratégie : Bloquer des infrastructures, manifester, pour forcer l'ouverture de négociations

Exemple : Blocages de vannes par associations (maintien niveaux), blocages de routes par agriculteurs

Cartographie des ressources de pouvoir

Acteur Ressources économiques Ressources politiques Ressources symboliques Ressources scientifiques
État Budget public ✅✅✅ Pouvoir réglementaire, police administrative Légitimité institutionnelle Services déconcentrés (DREAL, DDT)
Agence de l'Eau ✅✅✅ Capacité financement (400M€/an) Influence via conditionnalité aides Légitimité environnementale Expertise technique hydrologie
FNSEA ✅ Représente 350M€ agriculture ✅✅✅ Poids électoral, relais politiques Défense du "monde paysan" Chambres d'agriculture
LPO Budget associatif (limité) Reconnaissance utilité publique ✅✅✅ Légitimité scientifique/morale ✅✅✅ Ornithologues, inventaires faune
PNR Budget 3M€/an ✅ Syndicat mixte (93 communes) ✅✅ Label PNR, reconnaissance UNESCO Conseil scientifique
Irrigants ✅✅ 15 000 ha cultures à haute valeur Relais FNSEA, élus locaux agriculteurs Défense "souveraineté alimentaire" Appui Chambres agriculture
Conchyliculteurs ✅✅ 50M€ chiffre d'affaires CRC (établissement public) Patrimoine gastronomique Ifremer (qualité eau)
Bateliers ✅ 40M€ tourisme lié à l'eau Faible (atomisés) ✅✅ Image "Venise Verte" Faible

Évolution des rapports de force (1990-2025)

1990-2000

Domination du paradigme agricole

Rapport de force : Acteurs agricoles (FNSEA, irrigants) en position de force.

Politique publique : Soutien à l'intensification, financement drainage.

Opposition : Associations environnementales émergentes, peu écoutées.

2000-2010

Montée des enjeux environnementaux

Tournant : Directive Cadre sur l'Eau (2000), classement PNR (1979 renouvelé), Natura 2000.

Nouveaux acteurs : LPO, FNE gagnent en légitimité scientifique et juridique.

Tensions : Premiers contentieux sur prélèvements d'eau.

2010-2020

Polarisation et judiciarisation

Rapport de force : Blocage, affrontements médiatiques et juridiques.

État : Position ambivalente (arbitrage difficile entre économie et environnement).

Évolution : Sécheresses répétées (2017, 2019) renforcent position associations.

2020-2025

Recherche de compromis sous contrainte climatique

Nouveau contexte : Réchauffement climatique incontestable, pression européenne (DCE, Biodiversité).

Stratégie État : Promeut "dialogue territorial", PTGE (Projets Territoriaux Gestion de l'Eau).

Acteurs : Recherche de solutions gagnant-gagnant (irrigation économe, diversification cultures).

Persistance : Oppositions structurelles non résolues.

5. Alliances et Conflits : Cartographie des Relations

Visualisation des coalitions, oppositions et zones de tension

Le territoire du Marais Poitevin est structuré par deux coalitions principales antagonistes, avec des acteurs intermédiaires cherchant à jouer un rôle de médiation ou d'arbitrage.

Coalition "Pro-Développement Agricole"

Acteurs principaux :

  • FNSEA (leader)
  • Agriculteurs irrigants
  • Chambres d'Agriculture
  • Syndicats de marais (partiellement)
  • ASA
  • OUGC

Discours partagé :

  • ✅ L'agriculture est la vocation économique du territoire
  • ✅ L'irrigation est nécessaire pour la viabilité des exploitations
  • ✅ Le drainage historique a permis le développement du territoire
  • ✅ Les restrictions d'eau menacent l'emploi rural
  • ✅ Les normes environnementales sont excessives

Ressources : Poids économique, relais politiques, capacité mobilisation

Stratégie : Lobbying auprès des élus, pression médiatique lors des sécheresses

Coalition "Pro-Environnement"

Acteurs principaux :

  • LPO (leader scientifique)
  • France Nature Environnement (leader juridique)
  • Associations locales (Eaux et Rivières, etc.)
  • Conservatoire Espaces Naturels
  • PNR Marais Poitevin
  • Conchyliculteurs (alliés conjoncturels)
  • Bateliers

Discours partagé :

  • ✅ Le Marais Poitevin est un patrimoine écologique exceptionnel
  • ✅ L'assèchement détruit les zones humides (biodiversité, régulation eau)
  • ✅ L'agriculture intensive pollue (nitrates, pesticides)
  • ✅ Le territoire doit s'adapter au changement climatique
  • ✅ La préservation de l'eau bénéficie à tous les usages (tourisme, conchyliculture)

Ressources : Légitimité scientifique, droit de l'environnement, soutien opinion publique

Stratégie : Contentieux juridiques, études scientifiques, sensibilisation grand public

Acteurs intermédiaires et médiateurs

État (Préfectures)

Position : Arbitre officiel, mais en position inconfortable.

Dilemme : Doit appliquer DCE (contre surconsommation) tout en évitant conflits sociaux.

Stratégie : Arrêtés sécheresse progressifs, promotion du dialogue (PTGE).

EPTB Sèvre Niortaise

Position : Gestionnaire technique, penche vers préservation environnementale.

Rôle : Anime le SAGE, cherche compromis entre usages.

Difficulté : Doit composer avec collèges agricoles au sein de la CLE.

Scientifiques (Universités, INRAE)

Position : Expertise neutre, mais données penchent vers urgence environnementale.

Rôle : Produire connaissances pour éclairer décision.

Utilisation : Sollicités par les deux coalitions (chacune sélectionne études favorables).

Agence de l'Eau

Position : Favorable préservation (logique DCE), mais finance aussi acteurs agricoles.

Levier : Conditionnalité des aides (finance MAE, restauration zones humides, mais aussi irrigation économe).

Stratégie : Incitation financière pour pratiques durables.

Graphe des relations entre acteurs

Coalition Agricole Coalition Environnementale Acteurs Intermédiaires FNSEA IRRIGANTS CHAMBRES AGRI SYNDICATS MARAIS ASA LPO FNE PNR CONCHYLIC. CONSERV. ESPACES BATELIERS ÉTAT EPTB AGENCE EAU SCIENTI- FIQUES CONFLIT PRINCIPAL

Légende

Alliance / Coopération
Conflit / Opposition
Relation neutre / Négociation

Principaux conflits identifiés

Conflit Acteurs opposés Objet du conflit Enjeu État actuel
Volumes d'irrigation Agriculteurs irrigants ↔️ Associations environnementales Quantité d'eau autorisée pour irrigation (volumes prélevables) Survie économique exploitations vs préservation débit écologique 🔴 Conflit aigu
Arrêtés sécheresse FNSEA ↔️ Préfectures ↔️ LPO Calendrier et seuils de restrictions FNSEA dénonce restrictions trop précoces, LPO dénonce laxisme 🔴 Conflit récurrent (été)
Pollution nitrates Conchyliculteurs + Eaux et Rivières ↔️ Agriculteurs Qualité de l'eau en sortie de marais (Baie Aiguillon) Survie conchyliculture vs pratiques agricoles intensives 🟡 Conflit latent
Gestion niveaux d'eau Bateliers + PNR ↔️ Syndicats marais ↔️ Agriculteurs Hauteur d'eau dans conches (marais mouillé) Navigabilité vs drainage terres agricoles 🟡 Tensions locales
Retenues d'eau (bassines) Irrigants + FNSEA ↔️ Collectifs anti-bassines Construction retenues de substitution Sécurisation irrigation vs privatisation eau, impact zones humides 🔴 Conflit très dur (actions physiques)
Zonages réglementaires Agriculteurs ↔️ État + PNR Contraintes liées Natura 2000, PNR, zones humides Liberté d'exploiter vs protection biodiversité 🟢 Conflit institutionnalisé

Synthèse : Enseignements de l'Analyse des Acteurs

Points clés pour la consultation territoriale

Constats principaux

1

Polarisation structurelle

Le territoire est structurellement polarisé entre deux visions du développement : agricole-productiviste vs environnementale-patrimoniale. Cette polarisation n'est pas conjoncturelle mais ancrée dans l'histoire (assèchement progressif depuis XVIIe) et dans des intérêts économiques divergents.

2

Asymétrie des ressources de pouvoir

Les acteurs agricoles disposent d'un pouvoir politique et économique élevé (poids électoral, emplois, PIB), tandis que les acteurs environnementaux mobilisent la légitimité scientifique et juridique. L'État est en position d'arbitre contraint, pris entre obligations réglementaires européennes et pression socio-économique locale.

3

Multiplication des arènes de conflit

Les conflits se jouent dans plusieurs arènes : politique (lobbying), juridique (contentieux), médiatique (communication), technique (SAGE, CLE), et même physique (blocages). Cette judiciarisation croissante révèle l'échec du dialogue traditionnel.

4

Acteurs intermédiaires fragiles

Les acteurs censés jouer un rôle de médiation (PNR, EPTB) sont en position fragile : leur légitimité est contestée par les acteurs radicaux, et ils manquent de pouvoir de contrainte. L'État lui-même peine à imposer un arbitrage.

5

Urgence climatique = nouveau facteur

Le changement climatique modifie progressivement les rapports de force : les sécheresses répétées (2022, 2023) renforcent la position des acteurs environnementaux et imposent une réduction objective de la ressource en eau disponible. Cela crée une fenêtre d'opportunité pour repenser le modèle.

6

Diversité intra-catégorielle

Il n'y a pas d'homogénéité au sein de chaque catégorie : parmi les agriculteurs, les éleveurs extensifs et les irrigants ont des intérêts divergents. Parmi les acteurs publics, les communes ont des positions variables selon leur profil (rural agricole vs touristique).

Recommandations stratégiques pour la consultation

🎯

1. Éviter l'approche binaire

Ne pas opposer frontalement les deux coalitions, mais chercher à fragmenter les positions en identifiant des sous-groupes d'intérêt susceptibles de compromis (ex : agriculteurs bio, éleveurs extensifs, tourisme durable).

💡

2. Mobiliser l'expertise scientifique

Investir dans des études scientifiques partagées (co-financées, co-pilotées) pour objectiver les enjeux et limiter la contestation des données. Créer un comité scientifique multi-partenarial.

🤝

3. Créer des espaces de dialogue innovants

Les instances classiques (CLE, comités de pilotage) sont perçues comme bloquées. Expérimenter de nouvelles formes de concertation : ateliers participatifs, jurys citoyens, visites croisées (agriculteurs visitant réserves naturelles et vice-versa).

💰

4. Activer les leviers économiques

Proposer des compensations financières et des incitations positives (MAE renforcées, aides à la diversification, soutien au tourisme durable) pour encourager l'évolution des pratiques sans imposer uniquement des contraintes.

⏱️

5. Négocier des transitions temporelles

Proposer des trajectoires progressives (ex : réduction progressive des volumes d'irrigation sur 10 ans) plutôt que des ruptures brutales, pour permettre aux acteurs économiques de s'adapter.

🌍

6. Construire une vision partagée à long terme

Développer une démarche prospective collective (scénarios 2050) pour sortir des conflits conjoncturels et se projeter dans l'avenir du territoire face au changement climatique. Cela permet de dépasser les clivages en se focalisant sur un avenir commun.

⚖️

7. Renforcer le rôle de l'État

L'État doit assumer pleinement son rôle de garant de l'intérêt général et ne pas craindre d'imposer des arbitrages fondés sur le droit (DCE, biodiversité). Cela nécessite un soutien politique au niveau national.

Points de vigilance

Risque de radicalisation :

L'absence de perspective de compromis peut conduire à une radicalisation des positions (blocages, violence, désobéissance civile). Les exemples de conflits autour des "bassines" dans les départements voisins montrent ce risque.

Urgence temporelle :

Le territoire ne dispose pas d'un temps infini pour négocier : la dégradation écologique est rapide, et le changement climatique accélère les tensions. Il faut agir maintenant.

Légitimité de la concertation :

Une concertation sera rejetée si elle est perçue comme un simple "faire-valoir" ou si les décisions sont déjà prises. Il faut garantir une réelle capacité d'influence des participants et une transparence totale du processus.

« Le Marais Poitevin est à la croisée des chemins. Soit les acteurs parviennent à co-construire une vision partagée d'un territoire résilient face au changement climatique, soit le territoire s'enfoncera dans des conflits paralysants et assistera impuissant à sa dégradation progressive. »